Histoire de la Respectable Loge La Solidarité Bretonne Or.˙. de Lorient (Morbihan)

Cet ouvrage se révèle être un précieux témoignage, illustrant l’histoire et les valeurs de la Loge « La Solidarité Bretonne », fondée en mars 1908 dans un contexte marqué par de profonds changements politiques et sociétaux. La Loge “Écossaise” voit le jour au moment des grandes lois sur la laïcité en France, symbolisant la séparation des Églises et de l’État et la naissance d’une société désireuse de se redéfinir autour de principes de liberté et de fraternité.

L’avant-propos, rédigé par le Très Respectable Frère Thierry Zaveroni, Grand Maître de la Grande Loge de France et président du MAB (Musée, Archives, Bibliothèque), offre une entrée en matière pleine de respect et de reconnaissance pour la contribution de cette Loge à l’histoire de l’Obédience. Il souligne que cet ouvrage est bien plus qu’un simple livre : il représente une mémoire collective enrichie de récits et d’archives, où chaque mot témoigne de la résilience et de la force d’un groupe soudé. Thierry Zaveroni, dans sa sagesse, évoque la Loge comme un phare pour la région bretonne et au-delà, un lieu de réflexion et de lumière spirituelle, enraciné dans la fraternité.

Nous avons tout particulièrement apprécié, entre l’avant-propos et la préface, l’analyse faite du drapeau de l’Amirauté de Bretagne, surnommé « Kroaz Du », riche en symbolisme. La verticale, illustrée par le fil à plomb, incarne la quête intérieure, tandis que la ligne horizontale, symbole de fraternité, ouvre à l’universalité. Aux quatre coins du drapeau, les maîtres se retrouvent, évoquant l’esprit d’exploration et de partage. La présence des sept hermines rappelle l’élégance et la noblesse de l’héritage breton. Ce drapeau trouve ainsi toute sa place à l’Orient de la Loge, soulignant son lien profond avec la tradition. Le collectif, dont l’engagement a permis la réalisation de ce livre, décrit avec une minutie empreinte de respect l’évolution de cette Loge à travers le XX^e siècle, de ses premières années où elle s’impose comme la première Loge de la Grande Loge de France dans les quatre départements bretons, jusqu’à sa résilience après la Seconde Guerre mondiale. Détruite à 90 % lors des bombardements, Lorient renaît de ses cendres, tout comme « La Solidarité Bretonne », réaffirmant ainsi son attachement à la vie communautaire et à la reconstruction spirituelle, symbolique et réelle de la cité.

L’histoire se lit non seulement comme un recueil des épreuves traversées par la Loge, mais aussi comme un hommage à la fraternité qui transcende les épreuves du temps. Les archives et témoignages y rapportés ne se limitent pas à des faits, mais esquissent des portraits d’hommes simples et humbles, bâtisseurs de valeurs partagées. On découvre que cette Loge, bien qu’enracinée dans une tradition forte du Rite Écossais Ancien et Accepté, n’a jamais cessé d’être un lieu de dialogue et d’ouverture, accueillant des échanges sur des thèmes allant des questions philosophiques aux préoccupations pratiques liées à la pêche, pilier de l’économie locale. Le livre débute avec le premier Atelier instauré en Bretagne, la Loge de Saint-Jean de l’Union, créée à L’Orient le 1^er janvier 1744 par des officiers et des fonctionnaires, tant de la Marine royale que de la Compagnie des Indes orientales, explore ce riche passé. Une Loge créée sous l’Obédience de la Grande Loge de France, dont le Grand Maître n’est autre que le comte de Clermont, l’un des directeurs perpétuels de ladite Compagnie. L’ouvrage ne se contente pas d’évoquer la richesse des différentes planches présentées lors des tenues, mais souligne également comment la Loge a su rester une communauté inclusive et accueillante pour des Frères de diverses obédiences, incarnant ainsi l’essence même de la solidarité bretonne. Il est d’une grande richesse de détails, évoquant des figures emblématiques telles que Gustave Mesureur, député et ministre, qui fut à trois reprises Grand Maître de la Grande Loge de France. L’histoire de la Loge est marquée par des initiatives notables, comme la création de l’association Cercle d’Études Philosophiques et Sociales, en vue de l’acquisition d’un immeuble. L’ouvrage explore également les moments charnières de l’histoire, comme la Première Guerre mondiale en retraçant la vie d’Honoré Hélie et Louis-Maris Guichard, tous deux instituteurs, et les péripéties d’espionnage et d’aventures en 1923. Il relate les années sombres de la Seconde Guerre mondiale (1939-1945) et leurs conséquences tragiques, tout en rendant hommage aux héros locaux tels que Raymond Quéro, mort pour la France, ou Emmanuel Svob, maire de Lorient et fondateur de « l’Union coopérative lorientaise ». Vient ensuite la phase de renaissance et de reconstruction de la Loge, jusqu’à la fin de l’ouvrage qui se tourne vers le XXIe siècle, évoquant des cérémonies marquantes, dont une cérémonie de renaissance conjugale, et abordant des affaires notoires, telles que l’affaire Seznec. En dépit des épreuves du XX^e siècle, allant des guerres mondiales aux défis de la reconstruction, l’ouvrage démontre que l’humour et l’esprit communautaire ont été des piliers qui ont permis à la Loge de se régénérer et de poursuivre sa mission de construction spirituelle et humaine. L’auteur nous laisse sur une note intemporelle, en évoquant la dimension spéculative de l’engagement maçonnique, où chaque frère est, tel un artisan de la sagesse, bâtisseur de son présent et gardien de l’avenir.

Le livre souligne avec force l’importance de la tenue estivale, véritable institution au sein de « La Solidarité Bretonne », qui incarne l’engagement indéfectible des frères à préserver leurs liens même durant la pause des travaux maçonniques. Cette assemblée, se tenant chaque année à la veille du Festival Interceltique de Lorient (FIL), déploie un cadre où la musique celtique, empreinte de la mystique des terres bretonnes, résonne en écho aux réflexions profondes sur l’histoire, les mythes et la culture. L’atmosphère de cette tenue, décrite dans l’ouvrage, révèle une tension harmonieuse entre le particulier et l’universel, entre l’enracinement régional et la quête spirituelle qui transcende les frontières. Par ailleurs, la liste des Vénérables Maîtres, en fin d’ouvrage, incarne cette continuité de l’esprit qui anime la Loge et met en lumière des personnalités qui ont marqué son histoire par leur dévouement et leur vision.

Rappelons que la première de couverture reprend le blason de la ville de Lorient, accompagné de sa devise Ab oriente refuget, signifiant « De L’Orient, elle resplendit ». Cette devise, créée en 1744 par des notables, dont de nombreux francs-maçons tels qu’Étienne Pérault (1701-1771),conseiller du roi, premier maire de la communauté de Lorient et membre de la RL l’Union, revêt une symbolique forte pour la Loge. Elle traduit, dans un langage maçonnique, l’idée que l’Orient resplendit par la Lumière, un écho aux tenues maçonniques qui se tiennent à L’Orient de Lorient. L’ouvrage, richement illustré – près de 70 –, captive l’œil par des détails visuels éloquents qui enrichissent chaque page. Véritable hommage à l’âme collective, il rappelle que la mémoire de la Loge, façonnée par ses rituels, ses traditions et les contributions des anciens, demeure un phare guidant les générations futures. Fruit d’un travail collectif remarquable, chaque contribution, qu’elle soit écrite ou visuelle, témoigne de l’engagement et de la passion de ceux qui ont participé à sa réalisation. Ainsi, cette histoire de « La Solidarité Bretonne » invite à comprendre que la maçonnerie, bien plus qu’une fraternité de rites et de symboles, est un espace de rencontre entre les hommes et les idées, où l’identité bretonne vient enrichir un héritage universel. Histoire de la Respectable Loge La Solidarité Bretonne Or.˙. de Lorient (Morbihan) Mémoire IX – 2024 Mémoire de la Grande Loge Grande Loge de France – MAB, 2024, 128 pages, 25 €