Il nous fallait des mythes ! – La Révolution et ses imaginaires de 1789 à nos jours

Emmanuel de Waresquiel est un historien, éditeur et auteur spécialisé dans les périodes de la Révolution, de l’Empire et des monarchies constitutionnelles. Ingénieur de recherche à l’École pratique des hautes études, il s’est imposé comme une référence dans l’étude des grandes transformations politiques et sociales de la France.

Dans Il nous fallait des mythes !, publié en 2024 sous la direction de Denis Maraval – historien diplômé de la Sorbonne et de l’École du Louvre –, Emmanuel de Waresquiel explore comment la Révolution française de 1789 a forgé l’imaginaire collectif et durablement influencé la mémoire nationale. Cet ouvrage plonge au cœur des mythes révolutionnaires pour analyser leur rôle dans la construction de l’identité française et leur instrumentalisation par les régimes successifs. L’un des thèmes centraux du livre est la réécriture des événements révolutionnaires pour légitimer le pouvoir. Emmanuel de Waresquiel montre que la République, dès ses débuts, a eu besoin de récits symboliques – tels que le serment du Jeu de Paume, la prise de la Bastille ou la bataille de Valmy – pour se distancier de l’Ancien Régime et promouvoir les idéaux de liberté, d’égalité et de fraternité. Ces moments, parfois embellis ou déformés par les récits postrévolutionnaires, sont devenus des piliers du roman national, utilisés à des fins politiques et idéologiques. L’auteur met également en lumière le rôle ambivalent de certains symboles comme la guillotine, perçue tantôt comme l’instrument de la justice populaire, tantôt comme le signe de la barbarie révolutionnaire. Ces éléments, analysés sous le prisme de la mythologie révolutionnaire, révèlent un processus de transformation continue où les faits historiques se mêlent aux besoins mémoriels et politiques des différentes époques.

En examinant des événements-clés tels que la chute de la monarchie ou le règne de la Terreur, Emmanuel de Waresquiel montre que la Révolution n’est pas qu’un moment historique figé. Elle est un phénomène dynamique, réinterprété par chaque génération. La III^e République, notamment, a sanctifié la Révolution pour en faire une référence identitaire et politique, comme en témoigne la glorification de la prise de la Bastille, bien que cet épisode n’ait pas eu l’impact militaire souvent vanté. Le livre souligne aussi les décalages entre la perception contemporaine des événements et leur réalité historique. Par exemple, le serment du Jeu de Paume, souvent décrit comme un acte héroïque, s’est déroulé dans un climat d’incertitude. De même, la bataille de Valmy, célébrée comme une victoire décisive, fut en réalité un affrontement militaire modeste.

De Waresquiel aborde également les lieux et objets de la Révolution comme des catalyseurs symboliques. La Bastille, détruite rapidement après sa prise, devient un totem de la libération populaire, tandis que la guillotine incarne une justice expéditive mêlée de terreur. Ces symboles montrent que la violence, bien que souvent occultée, est au cœur de la dynamique politique de l’époque. L’ouvrage met aussi en évidence l’héritage vivant de la Révolution. Les commémorations, monuments et récits qui en découlent perpétuent une mémoire collective nourrie de mythes fondateurs. Ces récits, enrichis par les contributions d’intellectuels, écrivains et artistes comme Victor Hugo, participent à la construction d’une légende républicaine où coexistent idéalisation et critique. Avec une approche érudite et nuancée, Emmanuel de Waresquiel invite le lecteur à reconsidérer la Révolution française comme une matrice fondatrice de l’imaginaire national. L’ouvrage est accompagné de 33 illustrations qui enrichissent la réflexion en soulignant la portée visuelle et symbolique des mythes révolutionnaires.

Ce livre souligne l’importance des mythes révolutionnaires, non seulement pour comprendre l’histoire de France, mais aussi pour saisir les enjeux identitaires contemporains. Il nous fallait des mythes ! – La Révolution et ses imaginaires de 1789 à nos jours Emmanuel de Waresquiel – Tallandier, 2024, 448 pages, 24,60 €