Réédité, revu et enrichi, La Marelle ou les sept marches du Paradis de Gérard de Sorval, magnifiquement préfacé par Jean Hani, est une œuvre initiatique d’une rare profondeur. Ce texte se déploie comme un véritable chemin spirituel, une quête intérieure où chaque étape devient un enseignement de vie, une purification ou une élévation. Inspiré de la structure ancestrale du jeu de l’oie, l’ouvrage propose un itinéraire initiatique riche en symboles, permettant à chacun de se transformer peu à peu, du profane à l’initié. Ce livre s’adresse à ceux qui, poussés par une vocation intime ou un désir spirituel profond, souhaitent s’engager dans une aventure alchimique et chevaleresque qui résonne particulièrement avec les valeurs et les aspirations maçonniques.
La préface de Jean Hani ajoute à ce livre une dimension universelle et intemporelle. Philosophe, historien et essayiste, Hani (1917-2012) a consacré sa vie à l’étude des traditions spirituelles et des civilisations antiques, notamment dans leur articulation avec la pensée chrétienne. Son œuvre, profondément érudite et marquée par une sensibilité au sacré, explore les fondements symboliques et mystiques de la condition humaine. Hani, en tant que passeur de savoirs, a également marqué les esprits par des ouvrages où il dévoile les aspects les plus subtils de la spiritualité chrétienne et universelle. Ces écrits, à la fois érudits et accessibles, continuent d’inspirer chercheurs et initiés. En préfaçant l’œuvre de Gérard de Sorval, il inscrit cette dernière dans une continuité symbolique, offrant une clé de lecture universelle pour explorer les mystères de l’âme humaine.
Gérard de Sorval, ancien haut fonctionnaire du ministère des Finances et haut dignitaire de la Franc-Maçonnerie française, incarne un autre visage de la quête spirituelle. Spécialiste de la chevalerie chrétienne, il s’inscrit dans une tradition qui mêle courage, discipline et aspiration à la Lumière. Ses ouvrages, tels que La voie chevaleresque et l’initiation royale (1985) et Le langage secret du blason (1981), témoignent de sa volonté de relier l’héritage symbolique de la chevalerie médiévale à une transformation intérieure. Sorval, fidèle à cette tradition, propose un cheminement initiatique où l’individu, confronté à ses épreuves, peut s’élever au-delà de lui-même, en parfaite résonance avec l’idéal maçonnique de la maîtrise de soi et de l’élévation spirituelle.
Dans La Marelle, ces influences se rencontrent harmonieusement. Dès les premières pages, Sorval met en garde le lecteur : le voyage ne sera ni linéaire ni exempt de difficultés. Le point de départ, symbolisé par la forêt gaste, représente le chaos originel de l’âme, cet état de désordre où les passions et contradictions dominent. Ce labyrinthe intérieur, analogue à la pierre brute maçonnique, exige un travail patient de polissage et de transformation. La structure du jeu de l’oie, avec ses spirales et ses cases, devient alors une métaphore magistrale du cheminement spirituel. Chaque case – qu’il s’agisse de la forêt, du labyrinthe, du pont de l’épée ou de la grotte – correspond à une étape initiatique, une occasion de grandir, de réfléchir ou de dépasser ses limites.
Les influences alchimiques et chevaleresques traversent l’ensemble de l’œuvre. Le feu purificateur, l’image du phénix renaissant de ses cendres ou encore l’habit blanc marquent la victoire sur le Moi, rappelant les grandes étapes de l’Œuvre Philosophale. Parallèlement, la figure du chevalier mystique, qui incarne l’idéal d’un guerrier spirituel, traverse les épreuves avec foi et courage, un écho direct à l’héritage des kshatriyas ou des chevaliers médiévaux.
Au terme de cet itinéraire, l’initié atteint le jardin, espace d’harmonie et de réintégration. Là, l’enfant-roi joue à la marelle, symbole d’une géométrie sacrée où se croisent les axes horizontal et vertical de la croix. Cet enfant, figure de l’être réalisé, incarne la pureté retrouvée, l’innocence transcendante. La marelle, bien qu’associée à l’enfance, devient ici un outil initiatique majeur, une invitation à explorer des dimensions nouvelles de conscience et d’harmonie. La croix, élément structurant de ce voyage, symbolise l’intersection du temporel et de l’éternel, du matériel et du spirituel. En atteignant son centre, l’initié accède à la chambre des noces, un lieu de rencontre entre l’âme humaine et la Sagesse divine, sommet de toute quête initiatique.
L’écriture de Gérard de Sorval, d’une grande richesse poétique et symbolique, invite le lecteur à méditer sur chaque mot. La profondeur des thèmes abordés, associée à une clarté d’expression, fait de La Marelle un texte lumineux, imprégné des couleurs de l’alchimie et de la mystique. La préface de Jean Hani, en ancrant l’œuvre dans une filiation universelle, amplifie encore sa portée et sa puissance. La Marelle dépassant le cadre d’un simple livre. Chaque lecteur, selon son propre cheminement, y trouvera des enseignements adaptés à son évolution intérieure. Pour les Francs-Maçons, cet ouvrage constitue un miroir précieux où contempler les étapes de l’initiation, un outil pour approfondir leur quête de Lumière. Ce livre rappelle que le véritable voyage est intérieur et que chaque épreuve, aussi difficile soit-elle, est une opportunité de croissance. À travers les spirales du jeu, c’est toute la condition humaine qui est explorée, avec ses ombres et ses lumières, mais aussi son aspiration à l’infini.
Gérard de Sorval nous offre ici un chef-d’œuvre initiatique, une marelle où chaque pas nous rapproche de la Lumière. Ce livre est une invitation à devenir l’enfant-roi, à jouer avec la Sagesse, et à retrouver, dans le jardin de l’âme, la paix et l’unité originelles. Une œuvre rare, à méditer, revisiter et transmettre comme un précieux trésor spirituel.
La Marelle ou les sept marches du Paradis
Gérard de Sorval – Préface de Jean Hani – Éditions de la Tarente, 2024, 200 pages, 26 €