La Reine de Saba

La Reine de Saba
La Reine de Saba est une œuvre d’une richesse mythologique, historique et spirituelle qui s’inscrit à la croisée des traditions bibliques, coraniques et franc-maçonniques. Adaptée par Jean-Marie Michaud à partir du roman de Marek Halter, cette bande dessinée nous plonge dans une épopée fascinante autour de l’une des figures féminines les plus emblématiques de l’Antiquité. Elle met en lumière Makéda, cette reine de l’ancien royaume de Saba (l’actuel Yémen ou Éthiopie), qui défie le roi Salomon – roi d’Israël et de Juda de 970 av. J.-C. à 931 av. J.-C. – dans un duel de sagesse et d’énigmes.
La Reine de Saba
La Reine de Saba
L’œuvre de Michaud rend un hommage vivant à la tradition séculaire entourant cette légende, tout en enrichissant la portée visuelle et narrative par un graphisme minutieux et spectaculaire. Au cœur du récit, nous retrouvons la passion entre la reine de Saba et Salomon, source de nombreux commentaires religieux et historiques. Le fils né de cette rencontre est Ménélik Ier, fondateur de la dynastie éthiopienne des empereurs jusqu’à Haïlé Sélassié. Ce lien filial confère à l’histoire une dimension dynastique et spirituelle qui perdure à travers les âges. Michaud, avec son style graphique à la fois épuré et puissant, parvient à capturer cette profondeur, évoquant les arcanes de la sagesse orientale tout en laissant place à l’imagination. La phrase « Je suis noire et belle » tirée du Cantique des Cantiques cristallise l’essence même du personnage de la reine de Saba. Célébrée pour sa beauté et son intelligence, cette reine mystérieuse s’impose face à Salomon, réputé pour sa sagesse. Cette rencontre s’est vue déclinée à travers les siècles dans des récits religieux et mystiques, où la reine de Saba devient une figure à la fois historique et allégorique, incarnant la féminité et la force dans un monde dominé par des figures masculines. Les textes juifs, chrétiens, et musulmans, chacun à leur manière, ont enrichi la légende en y intégrant des récits divers autour des échanges énigmatiques entre les deux souverains.
Marek Halter à Strasbourg (2010) - source Wikimedia Commons
Marek Halter à Strasbourg (2010) – source Wikimedia Commons
Marek Halter, dont le travail sur les grandes figures féminines de la Bible et du Coran est reconnu, revisite cette légende avec une acuité rare, tout en restant fidèle aux détails mythologiques qui ont façonné ce personnage. L’auteur explore les thèmes de la sagesse, de l’amour et de la quête du pouvoir spirituel. Jean-Marie Michaud, en adaptant cette œuvre en bande dessinée, s’inscrit dans la lignée des grandes œuvres graphiques destinées à rendre accessible des récits millénaires. Avec une minutie presque archéologique, Michaud traduit en images la richesse du texte et parvient à insuffler une nouvelle vie à cette légende. Pour l’initié, un aspect particulier mérite d’être souligné. L’importance de la Reine de Saba dans la symbolique maçonnique, notamment dans la cérémonie secrète d’installation du Vénérable Maître. La reine de Saba y est perçue comme une figure de l’intelligence et de la sagesse, qui, lors de sa visite à Salomon, symbolise l’initiation à des savoirs cachés. En Franc-Maçonnerie, la Reine de Saba est liée à l’énigme et au défi, se positionnant comme un modèle de l’esprit libre, prêt à défier le roi Salomon dans un jeu d’esprit qui n’est pas sans rappeler les épreuves initiatiques. Les illustrations du talentueux Michaud sont, à ce titre, empreintes de symbolisme. Chaque image, avec des couleurs chaudes et vibrantes rendant hommage à l’univers oriental et biblique de l’histoire, chaque scène est un miroir des thèmes abordés, avec des jeux de lumière et d’ombre qui reflètent les luttes de pouvoir entre les forces visibles et occultes. De plus, le format 199 x 277 mm donne aux illustrations toute l’ampleur qu’elles méritent, permettant d’apprécier les moindres détails du dessin. Nous avons particulièrement apprécié le moment où l’œuvre offre une magnifique interprétation visuelle du célèbre jugement de Salomon, où la sagesse du roi se déploie avec éclat. Les images capturent l’intensité dramatique de la scène, soulignant la justesse et la profondeur de son discernement à travers des compositions puissantes et des couleurs évocatrices.
La Reine de Saba, détail
La Reine de Saba, détail
Le traitement du personnage de Makéda est particulièrement réussi, oscillant entre la tendresse de la femme amoureuse et la fermeté de la souveraine consciente de son pouvoir. Le contraste visuel entre les décors somptueux de Jérusalem et les paysages désertiques de Saba met en avant la diversité des mondes que ces deux figures symbolisent, l’un lié à la terre, l’autre au ciel, à la quête spirituelle. La reine de Saba, dans cette œuvre, devient ainsi une figure totémique de la force féminine, une sorte de prêtresse capable de bouleverser l’ordre établi, tout en incarnant une sagesse immuable. L’œuvre de Jean-Marie Michaud et Marek Halter transcende ainsi la simple adaptation d’un récit biblique pour offrir une méditation profonde sur la rencontre entre l’Orient et l’Occident, entre le masculin et le féminin, entre le pouvoir temporel et la quête de la sagesse. Cette bande dessinée, par son audace visuelle et narrative, se présente comme une fresque intemporelle où se mêlent amour, politique, et mysticisme.
Éd. Dervy, une marque du groupe Guy Trédaniel
Éd. Dervy
Jean-Marie Michaud, à travers son art, montre que la légende de la reine de Saba n’a rien perdu de sa pertinence et continue de fasciner par son énigme. Cette œuvre est un pont entre le passé et le présent, rappelant à chaque lecteur la quête éternelle de la connaissance et de l’amour. La Reine de Saba Jean-Marie Michaud – Marek Halter – Hozhoni Éditions, 2024, 272 pages, 32 €  
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