Le Message initiatique des Sirènes

Le Message initiatique des sirènes – un titre qui sonne comme un murmure venu des abîmes, un appel subtil à sonder les profondeurs de la tradition, de la mémoire mythique, de ce féminin sacré qui traverse les ères et façonne les âmes en quête. Paru chez MdV Éditeur en 2025 dans la collection « Spiritualité féminine », cet ouvrage signé Heptagone – nom pluriel et symbolique s’il en est – s’impose comme un traité poétique, ésotérique et hautement spirituel sur une figure universelle dont la signification a trop souvent été dévoyée. Nous entrons ici dans un monde liquide, fluide, primitif et pourtant infiniment raffiné, un monde où la Sirène ne se réduit ni à l’ondine séductrice ni à la chimère de marins en mal de rivages. Loin des caricatures que les siècles rationalistes ont figées dans les pages des dictionnaires, les Sirènes se révèlent sous la plume d’Heptagone comme les grandes prêtresses d’une sagesse oubliée, gardiennes d’un seuil entre les mondes, ambassadrices du Verbe sacré. Leur chant n’est pas piège mais appel, non à la perdition mais à la métamorphose.

Ce livre est un rituel silencieux. Il se lit comme on franchit un portique d’initiation, pas à pas, chapitre après chapitre, en se dépouillant des lectures convenues, des œillères dogmatiques, pour laisser résonner en soi la vibration primordiale d’un mythe fondateur. La Sirène y est présentée comme l’incarnation d’un processus de passage : entre ciel et mer, entre visible et invisible, entre ignorance et Connaissance. En cela, elle rejoint les archétypes alchimiques et maçonniques, elle devient miroir du Grand Œuvre, écho du Verbe créateur, image de l’androgyne originel en quête de sa réunification. Chaque chapitre s’ouvre comme un écrin symbolique, révélant des correspondances multiples : Pythagore et la parole divine de Delphes, Platon et l’âme des initié(e)s, Homère et le seuil périlleux entre les mondes. Ce n’est pas une érudition sèche qui se déploie ici, mais une sapience vivante, incarnée, organique, qui irrigue aussi bien les pages que les pensées qu’elle suscite. Le lien entre les Sirènes et la musique – ce chant qui ne séduit que ceux qui entendent avec le cœur – est exploré comme voie royale d’éveil intérieur. L’auteur nous rappelle que les sirènes, dans leur essence, chantent l’Harmonie cosmique. Et qu’elles ne sont dangereuses que pour ceux qui refusent de changer d’état. Loin d’un regard désincarné, Heptagone tisse une toile initiatique où se croisent les figures mythologiques et les symboles alchimiques : Solve et Coagula, miroir et peigne, double queue et mutation. Les Sirènes deviennent ici les Sphinx féminins d’un Labyrinthe intérieur dont le centre serait la réintégration de l’être. Elles apparaissent comme autant de passeuses d’âme, sages-femmes de l’ésotérisme, matrice des Mystères antiques et futurs.

Le regard porté sur Mélusine — figure centrale d’un chapitre aussi dense qu’enchanteur — illustre cette volonté de réhabiliter les mythes oubliés, ceux que la culture patriarcale a soit occultés, soit diabolisés. Mélusine, comme Isis, comme la Reine de Saba, comme toutes les « mères de la sagesse », est ici redonnée à elle-même : initiatrice, bâtisseuse, gardienne d’un savoir qui se transmet par la voie du cœur autant que par l’intelligence symbolique. La force du livre tient dans sa capacité à faire sentir, à faire pressentir, à faire vibrer. C’est une écriture subtilement oraculaire, où chaque mot semble pesé comme dans un rituel, chaque métaphore forgée comme un outil opératif. Il ne s’agit pas d’un essai, mais d’un chemin. Pas d’un discours, mais d’un passage. Nous y entendons battre le cœur d’un féminin initiatique longtemps refoulé, dont les Sirènes, puissances aquatiques et stellaires, sont les représentantes les plus profondes. Ce qui transparaît aussi, dans le sillage de ces créatures liminales, c’est une vision du monde où l’hybride n’est plus anomalie mais clef. Être mi-femme, mi-oiseau, ou mi-femme, mi-poisson, c’est n’être ni l’un ni l’autre – mais au-delà. C’est s’inscrire dans une logique initiatique qui refuse les dualismes et embrasse les mutations. C’est comprendre que la Connaissance véritable, celle qui libère, ne réside pas dans les certitudes, mais dans l’ouverture à l’invisible. D’un point de vue maçonnique, l’ouvrage s’offre comme une Loge ouverte à la lumière lunaire. Il convoque la mémoire des premiers rituels, ceux où les Déesses guidaient les aspirants dans l’obscurité matricielle, vers la naissance seconde. Il y a, dans cette lecture, une invitation à réconcilier les polarités, à réintégrer la dimension sacrée du Féminin au sein du Temple intérieur. En cela, Le Message initiatique des sirènes parle à tous les Cherchants — hommes ou femmes – qui perçoivent que l’initiation ne saurait être complète sans l’accueil de ce mystère amphibien, de cette fluidité subtile que la Sirène incarne à merveille.

Heptagone, entité collective ou voix singulière dissimulée derrière un nom géométrique, se distingue depuis plusieurs années dans le paysage éditorial de la spiritualité féminine. Après La Dame à la Licorne – Le message initiatique des tapisseries, œuvre d’interprétation symbolique aujourd’hui épuisée (réédition remaniée prévue fin 2025) et Le Jardin des Délices d’Herrade de Landsberg, méditation visuelle et spirituelle sur la transmission féminine dans le monde monastique médiéval, ce troisième ouvrage poursuit une même quête : restaurer la voix des figures oubliées, remettre au centre du monde un langage sacré que seule l’intuition peut comprendre.

En refermant Le Message initiatique des sirènes, nous ne restons pas au rivage. Nous avons plongé. Nous avons accepté la métamorphose. Nous avons traversé les eaux troubles pour atteindre l’onde pure. Car ce livre n’informe pas : il transforme. Il est un chant. Une vibration. Une onde de forme. Il est, au sens fort, une œuvre opérative. Une invitation à redonner à la Sirène sa juste place : non plus un leurre, mais un leitmotiv du voyage intérieur. Le Message initiatique des Sirènes Heptagone MdV Éditeur, coll. Spiritualité féminine, 2025, 200 pages, 24 €