Le Tracé Primordial La géométrie secrète des bâtisseurs

Le Tracé Primordial – La géométrie secrète des bâtisseurs
L’ouvrage de Frédéric Beatrix est une exploration des principes fondamentaux de la géométrie sacrée et leur influence sur l’architecture sacrée, des temples antiques aux édifices gothiques. Bien que l’ouvrage se distingue par son ambition et son abondance d’illustrations, il présente aussi des limites notables en termes de rigueur scientifique et historique, ce qui pourrait décevoir certains lecteurs. Le livre s’organise autour de deux premiers chapitres principaux : « Contexte mythologique » et « Le Tracé Primordial », avant de plonger dans des concepts géométriques spécifiques. Trois autres suivent traitant de « La transmission », de l’« Art et sciences des maîtres-maçons » et de « Géométrosophie », terme composé de deux racines grecques, geometria signifiant mesure de la terre et sophia signifiant sagesse ou connaissance. Dans le premier chapitre, Frédéric Beatrix associe des figures mythologiques telles qu’Apollon, Artémis et Vénus aux principes architecturaux. Si cette tentative de relier mythologie et géométrie est séduisante, elle repose sur des analogies parfois superficielles et manque de l’ancrage historique nécessaire. Les explications auraient gagné en profondeur si elles s’étaient appuyées sur des études académiques ou des textes classiques. Dans la deuxième partie, intitulée « Le Tracé Primordial », Frédéric Beatrix examine les contributions philosophiques de penseurs comme Pythagore et Platon à l’architecture sacrée. Cette section aborde des exemples comme le temple d’Héra à Samos, mais l’analyse reste trop sommaire. Des références à des travaux plus récents et fiables sur ces questions auraient renforcé la démonstration. De plus, la tentative de relier la philosophie et l’architecture se fait souvent de manière vague, sans offrir une compréhension claire des liens entre ces domaines. L’un des chapitres les plus intéressants, « À la règle et au compas », aborde les formes géométriques fondamentales comme la monade, la dyade, le triangle équilatéral et le carré long. Ces formes sont, en effet, centrales dans la géométrie sacrée, mais le traitement proposé par l’auteur reste limité. Il est regrettable que Frédéric Beatrix ne fasse pas référence à des auteurs incontournables dans ce domaine, tels que Matila C. Ghyka, dont le livre Le Nombre d’Or – Rites et rythmes pythagoriciens dans le développement de la pensée occidentale (1931) est une référence majeure. L’absence de ces auteurs crée un manque dans l’analyse et réduit la portée historique de l’ouvrage. Des concepts comme « Le cercle de Vénus » ou « Le triple septénaire » sont abordés, mais traités de manière trop abstraite, du moins nous semble-t-il, sans une véritable contextualisation historique. Ces chapitres auraient pu offrir une réflexion enrichissante, mais l’absence de profondeur théorique limite leur impact. Frédéric Beatrix semble davantage s’appuyer sur des spéculations personnelles que sur des recherches solides.
Andrea Palladio (1508-1580)
L’auteur tente également de relier la géométrie sacrée à des personnages emblématiques tels que Andrea Palladio (1508-1580) – architecte italien de la Renaissance et auteur du traité Les quatre livres de l’Architecture –, Inigo Jones (1573-1652) – architecte anglais largement reconnu pour avoir introduit le classicisme italien en Angleterre – et Sir Christopher Wren (1632-1723) – un des plus célèbres architectes anglais, connu pour avoir reconstruit une grande partie de Londres après le Grand Incendie de 1666 dont le chef-d’œuvre la cathédrale Saint-Paul. Frédéric Beatrix suggère que ces maîtres ont été influencés par la géométrie sacrée, mais il ne fait qu’effleurer le sujet. Malheureusement, ces affirmations manquent de preuves concrètes et documentées, ce qui affaiblit la démonstration. Une analyse plus détaillée et mieux sourcée aurait permis d’établir des liens solides entre leurs œuvres et les principes géométriques présentés. Le concept de « Géométrosophie », qu’il introduit, reste trop abstrait et spéculatif pour être pris au sérieux sans un développement plus poussé et une base théorique solide.
Sir Christopher Wren (1632-1723)
Malgré ces remarques, l’ouvrage présente des qualités indéniables. Il est visuellement riche, avec ses 116 schémas et illustrations, qui aident à comprendre les concepts exposés. Ces représentations graphiques apportent une dimension pédagogique à un sujet parfois technique et hermétique. Les passionnés de géométrie sacrée et d’architecture y trouveront un intérêt certain, notamment grâce à la clarté des illustrations. Le Tracé Primordial de Frédéric Beatrix est un livre qui plaira sans doute aux amateurs de géométrie sacrée, de symbolisme et d’architecture spirituelle. Cependant, ceux qui recherchent une analyse plus rigoureuse et documentée risquent d’être frustrés par le manque de profondeur historique et d’appuis bibliographiques solides. L’ouvrage s’adresse principalement à un public curieux d’ésotérisme et de spéculations symboliques, mais il reste en deçà des attentes pour des chercheurs ou des spécialistes du domaine.
Éd. Dervy, une marque du groupe Guy Trédaniel
Éd. Dervy, une marque du groupe Guy Trédaniel
Le Tracé primordial – La géométrie secrète des bâtisseurs  Frédéric Beatrix – Éditions Dervy, 2024, 256 pages, 21 €  
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