Jean-Marie Ragon de Bettignies (1781-1862) fut un infatigable chercheur des mystères maçonniques et occultes. Son œuvre monumentale, Orthodoxie maçonnique suivie de La Maçonnerie occulte et de L’Initiation hermétique, s’inscrit dans la tradition des encyclopédistes maçonniques du XIXe siècle, dans cette volonté de transmission et de structuration du savoir initiatique.
Après un avant-propos, la première partie de l’ouvrage, Orthodoxie maçonnique, s’ouvre sur une analyse de l’évolution de l’Ordre maçonnique à partir de 1717. Ragon y décrit l’introduction de la Franc-Maçonnerie en France dès 1721 avec la fondation de la première Loge hors du royaume d’Angleterre, l’« Amitié et Fraternité » à l’Orient de Dunkerque.
Il poursuit son étude avec la création de la Grande Loge de France et l’émergence, dès 1756, d’un paysage maçonnique marqué par la prolifération de systèmes rituels et de grades exogènes, souvent fondés sur des bases incertaines, que l’auteur décrit ainsi : « … envahie par des systèmes de rites et de grades étrangers et indigènes, dont la base était le mensonge ou la vengeance… »
Cette période d’instabilité culmine avec la suspension des travaux de la Grande Loge, avant que ne survienne la réorganisation de la Franc-Maçonnerie française, débouchant sur la fondation du Grand Orient de France.
L’auteur revient ensuite sur la Maçonnerie anglaise en démarrant son propos en 1728, avant d’aborder les fondements mêmes de l’Ordre : les trois grades fondamentaux, qui constituent une triple quête pour le Maçon. Il doit s’interroger sur son origine (l’étude de Dieu), sur sa nature propre (l’étude de soi-même et de son perfectionnement) et sur son devenir (l’étude de sa transformation dans un autre avenir). Dans ce contexte, Ragon cite l’antiquaire, mais aussi étudiant en alchimie, Elias Ashmole (1617-1692), un des premiers Francs-Maçons spéculatifs, et ses expériences initiatiques dès 1646.
L’étude se poursuit par une plongée minutieuse au cœur des institutions supra-maçonniques et des hauts grades, s’inscrivant dans un développement chronologique éclairant. Ragon explore avec acuité le Rite de Ramsay (1728), la Mère Loge écossaise de Marseille (1750), le Chapitre de Clermont (1754), le Conseil des Empereurs d’Orient et d’Occident, et l’Ordre de l’Étoile Flamboyante (1766), autant de jalons structurant le développement des hauts grades. Il évoque également la Maçonnerie Adonhiramite et philosophique, s’attardant sur le Rite des Élus Coëns ou prêtres en 1754, et mettant en lumière l’œuvre inspirée de Louis-Claude de Saint-Martin, surnommé le « Philosophe inconnu ».
L’auteur dresse également un état des lieux des rites et ordres introduits en France après 1800, citant notamment l’Ordre Sacré des Sophisiens en 1801 et le Rite de Memphis en 1839, témoins d’une maçonnerie en perpétuelle réinvention. Ce panorama détaillé est illustré par divers documents, tels que des modèles de diplômes et des extraits de rituels, offrant ainsi un éclairage précis sur les transformations de la Franc-Maçonnerie. Il y aborde également la Maçonnerie écossaise, les divers Régimes en Allemagne, l’Ordre des Architectes Africains, le système Swedenborgien et la fondation du Suprême Conseil du 33e degré à Paris. Ragon se penche enfin sur les débats relatifs aux hauts grades et sur la réforme du symbolisme, plaidant pour un retour à un enseignement véritablement initiatique et philosophique.
Dans la seconde partie, La Maçonnerie occulte suivie de l’Initiation hermétique, Ragon aborde la filiation de la Franc-Maçonnerie avec les grands mystères antiques. Il explore la puissance des nombres selon Pythagore, la philosophie occulte d’Agrippa, les principes philosophiques et rationnels de Cardan et le système philosophique et médical de Paracelse. Il développe le principe de Iatricie ou art de guérir , faisant référence à la pratique médicale et aux méthodes utilisées pour soigner et traiter les maladies, et examine la Maçonnerie de Franz Anton Mesmer (1734-1815), médecin allemand, principalement connu comme le fondateur du magnétisme animal, une théorie qui a plus tard été appelée mesmérisme, en lien avec le magnétisme, le somnambulisme et les sciences occultes dans leur ensemble.
Magnétiseur induisant une transe hypnotique – Gravure de 1794
L’ouvrage propose également une étude approfondie des relations entre initiation et sciences spirituelles, en développant les concepts de psychologie, de phrénologie et de magisme. Un chapitre entier est consacré aux animaux symboliques (chien, loup, lion, bouc, tortue, bélier, aigle) et à leur interprétation ésotérique. Enfin, Ragon s’attarde sur le rôle des planètes dans les doctrines hermétiques et mythologiques, reliant ces éléments aux enseignements initiatiques les plus anciens.
Avec cette réédition d’Amici Librorum de 2024, Orthodoxie maçonnique, La Maçonnerie occulte et Initiation hermétique retrouvent une place de choix dans la bibliothèque de tout chercheur de lumière. Il convient néanmoins de resituer ce texte dans son contexte, celui d’ouvrages publiés en 1853, marqués par l’esprit et les débats de leur temps. Dès la première page de couverture, une sentence éclaire l’intention de l’auteur : « Dévoilons tout ce qui est faux, pour revenir à tout ce qui est vrai. »
Dessin de Jean-Marie Ragon (réalisé en 1911)
L’ouvrage de Ragon se présente comme une somme initiatique, et non un simple traité, où chaque page recèle un enseignement, une clé à saisir, une porte à franchir. Il nous rappelle que l’initiation n’est pas une destination mais un cheminement perpétuel, où le Maçon est appelé à façonner, purifier et élever la pierre brute de son être intérieur.
Jean-Marie Ragon, par cet ouvrage magistral, ne nous livre pas seulement une érudition impressionnante, mais une véritable invitation à la quête intérieure, un viatique pour celui qui aspire à percer les arcanes du temple invisible.
Orthodoxie maçonnique
Suivi de La Maçonnerie occulte, de L’Initiation hermétique et de suppléments sur le rôle des planètes, les génies, esprits & anges gardiens et l’Od
Jean-Marie Ragon
Amici Librorum, 2024, réimpression de l’édition de 1853, 740 pages, 50 €
Il poursuit son étude avec la création de la Grande Loge de France et l’émergence, dès 1756, d’un paysage maçonnique marqué par la prolifération de systèmes rituels et de grades exogènes, souvent fondés sur des bases incertaines, que l’auteur décrit ainsi : « … envahie par des systèmes de rites et de grades étrangers et indigènes, dont la base était le mensonge ou la vengeance… »
Cette période d’instabilité culmine avec la suspension des travaux de la Grande Loge, avant que ne survienne la réorganisation de la Franc-Maçonnerie française, débouchant sur la fondation du Grand Orient de France.
L’auteur revient ensuite sur la Maçonnerie anglaise en démarrant son propos en 1728, avant d’aborder les fondements mêmes de l’Ordre : les trois grades fondamentaux, qui constituent une triple quête pour le Maçon. Il doit s’interroger sur son origine (l’étude de Dieu), sur sa nature propre (l’étude de soi-même et de son perfectionnement) et sur son devenir (l’étude de sa transformation dans un autre avenir). Dans ce contexte, Ragon cite l’antiquaire, mais aussi étudiant en alchimie, Elias Ashmole (1617-1692), un des premiers Francs-Maçons spéculatifs, et ses expériences initiatiques dès 1646.
L’étude se poursuit par une plongée minutieuse au cœur des institutions supra-maçonniques et des hauts grades, s’inscrivant dans un développement chronologique éclairant. Ragon explore avec acuité le Rite de Ramsay (1728), la Mère Loge écossaise de Marseille (1750), le Chapitre de Clermont (1754), le Conseil des Empereurs d’Orient et d’Occident, et l’Ordre de l’Étoile Flamboyante (1766), autant de jalons structurant le développement des hauts grades. Il évoque également la Maçonnerie Adonhiramite et philosophique, s’attardant sur le Rite des Élus Coëns ou prêtres en 1754, et mettant en lumière l’œuvre inspirée de Louis-Claude de Saint-Martin, surnommé le « Philosophe inconnu ».
L’auteur dresse également un état des lieux des rites et ordres introduits en France après 1800, citant notamment l’Ordre Sacré des Sophisiens en 1801 et le Rite de Memphis en 1839, témoins d’une maçonnerie en perpétuelle réinvention. Ce panorama détaillé est illustré par divers documents, tels que des modèles de diplômes et des extraits de rituels, offrant ainsi un éclairage précis sur les transformations de la Franc-Maçonnerie. Il y aborde également la Maçonnerie écossaise, les divers Régimes en Allemagne, l’Ordre des Architectes Africains, le système Swedenborgien et la fondation du Suprême Conseil du 33e degré à Paris. Ragon se penche enfin sur les débats relatifs aux hauts grades et sur la réforme du symbolisme, plaidant pour un retour à un enseignement véritablement initiatique et philosophique.
Dans la seconde partie, La Maçonnerie occulte suivie de l’Initiation hermétique, Ragon aborde la filiation de la Franc-Maçonnerie avec les grands mystères antiques. Il explore la puissance des nombres selon Pythagore, la philosophie occulte d’Agrippa, les principes philosophiques et rationnels de Cardan et le système philosophique et médical de Paracelse. Il développe le principe de Iatricie ou art de guérir , faisant référence à la pratique médicale et aux méthodes utilisées pour soigner et traiter les maladies, et examine la Maçonnerie de Franz Anton Mesmer (1734-1815), médecin allemand, principalement connu comme le fondateur du magnétisme animal, une théorie qui a plus tard été appelée mesmérisme, en lien avec le magnétisme, le somnambulisme et les sciences occultes dans leur ensemble.
