Spinoza L'homme qui a tué Dieu

Spinoza – L’homme qui a tué Dieu
José Rodrigues dos Santos nous plonge dans une fresque intellectuelle et existentielle qui interroge les fondements du dogme religieux et les structures de pensée qui ont établi les bases de la modernité. L’écrivain, connu pour ses thrillers scientifiques, adopte ici une approche narrative subtile, équilibrant la rigueur historique et une profondeur philosophique qui suscite autant la réflexion que l’émotion. Le roman s’ouvre dans l’Amsterdam du XVIIe siècle, où la tension est palpable au sein de la communauté juive portugaise. Bento de Espinosa, jeune garçon curieux et observateur, assiste à l’événement déclencheur : l’excommunication d’Uriel da Costa. Cette scène, d’une brutalité presque rituelle, soulève en lui un doute profond : et si la vérité biblique n’était qu’une construction humaine, imparfaite et sujette à caution ? Ce questionnement, simple en apparence, agit comme le moteur d’une quête intellectuelle qui transcende les époques et les frontières. Dos Santos excelle dans l’art de peindre l’âme tourmentée d’un philosophe naissant. Le style fluide mais dense de l’auteur nous immerge dans les complexités émotionnelles de Spinoza. La description minutieuse de ses lectures, de ses échanges et de ses confrontations avec les figures religieuses et intellectuelles de son temps souligne son courage face aux opprobres sociaux et religieux qu’il endure. L’ouvrage ne se contente pas de relater les faits ; il tisse une méditation sur la liberté de pensée et la responsabilité qu’elle exige dans un contexte où l’orthodoxie règne en maître absolu.
Portrait de Spinoza (1665)
Le personnage de Bento, qui deviendra Baruch Spinoza, incarne une figure initiatique au sens maçonnique du terme. La quête de la vérité, qui l’anime dès son jeune âge, s’apprête à le guider vers une lumière intellectuelle et spirituelle qui transcende les dogmes religieux. Ce parcours, que l’on pourrait comparer à celui d’un apprenti maçon cherchant à polir sa pierre brute, est jalonné de doutes, de souffrances, mais également d’une aspiration constante à l’éveil. Chaque épreuve que traverse Spinoza, qu’il s’agisse de l’exclusion sociale ou de l’isolement intellectuel, est une invitation à réfléchir au rôle que joue la liberté dans la construction de l’être humain. L’écriture de Dos Santos, réaliste et empreinte de lyrisme, restitue parfaitement les tensions de l’époque. La scène dans la synagogue, où l’excommunication est prononcée avec une solennité glaçante, traduit non seulement la rigueur du rite, mais également le poids d’une communauté qui se déchire entre fidélité au dogme et ouverture aux idées nouvelles. Les personnages secondaires, comme Uriel da Costa, servent de contrepoints puissants à l’évolution de Bento : ils incarnent des figures sacrificielles dont la chute annonce la nécessité d’un changement de paradigme.
José Rodrigues dos Santos en 2016
D’un point de vue maçonnique, le roman peut être lu comme une allégorie de la quête de la Lumière et de la recherche de la vérité au-delà des illusions. Spinoza, en défiant les dogmes et en interrogeant les textes sacrés, s’inscrit dans une logique initiatique où la remise en question est une nécessité pour atteindre une forme supérieure de conscience. Cette démarche, qui fait écho aux travaux maçonniques sur la réconciliation des opposés et l’harmonie universelle, résonne avec une intensité particulière dans le contexte contemporain où la liberté d’expression est parfois mise à mal. Cet ouvrage est un hymne à la pensée libre et un hommage à ceux qui ont osé questionner l’ordre établi. José Rodrigues dos Santos nous offre une fresque magistrale, qui interpelle autant par la richesse de son contenu que par la profondeur de ses interrogations. Ce livre, au-delà de son contexte historique, pose des questions intemporelles sur la nature de Dieu, de la vérité et de la condition humaine, et nous invite, comme Spinoza, à ne jamais cesser de chercher. Spinoza – L’homme qui a tué Dieu  J.R. dos Santos, Catherine Leterrier (trad.) – Pocket, 2024, 720 pages, 10.80 €
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